REMARQUES PRELIMINAIRES À PROPOS DES RECHERCHES SUR L'ENSEIGNEMENT ET L'APPRENTISSAGE DES LANGUES ETRANGERES À L'ECOLE.

 

Les recherches sur l'enseignement et l'apprentissage des langues étrangères à l'école (R.E.A.L[1]) ont pour objet la compréhension des processus mentaux mis en œuvre par un individu apprenant une langue dans le cadre bien spécifique de l'institution scolaire, à la différence du cadre dit naturel ou familial.

 

Ce travail se focalise sur l'apprentissage des langues française et espagnole, du jardin d'enfant au lycée. Celui-ci recommande, parmi ses principaux objectifs culturels traditionellement reconnu, la lecture et la production de différents types de textes thématiques (p.e. littéraires) qui ne sont pas mis en œuvre au niveau de la formation professionnelle.

 

Il est à noter que cette différence d'objectif n'est pas conforme au cadre européen de certification défini en 2008[2] ni à celui des langues de 2001[3]qui mélangent la formation géneralisée avec la professionelle selon une vision économique. 

 

Les R.E.A.L. se veulent interdisciplinaires dans la mesure où l'apprenant est une personne qui ne peut être réduite à sa seule fonction cognitive, surtout mécanique.

 

L'étude de la lecture et de la  production de textes dans une langue étrangère couvre plusieurs perspectives. L'une, universelle, met en avant les différences intrinsèques entre l'Homme et le singe, son plus proche parent dans l'échelle de l'évolution, quant à la croissance de son cerveau et son comportement. Une deuxième perspective est différentielle et prend en compte les divers groupes d'individus (âge, sexe, catégories socio-culturelles voire encore des registres ou styles de langues) qui se réfère aussi à l'intelligence verbale. Une troisième approche est individuelle et met en exergue le processus d'acquisition dynamique de chacun (théorie subjective) dépendante de facteurs à la fois endogènes et exogènes. En accord avec l'établissement progressif des circuits neuronaux dès la naissance et tout au long de la vie, il convient de prendre en considération le développement psychologique en fonction du déroulement de l'histoire de vie de chaque individu. Au fur et à mesure de la croissance du cerveau, de la prime jeunesse à la fin de l’adolescence, les différentes manières d'apprendre se développent de l'implicite vers l'explicite (psycholinguistique et psychologie cognitive). L’école y joue un role intrinsèque.

 

Ces processus se reflètent dans un modèle de facteurs développementaux «standards» de l'apprenant qui émergent de l'ensemble des résultats observés en patho et par là en psycholinguistique. Les bases de ce modèle sont maintenant jetées et devraient être confirmées d'ici 2017.

 

Au cœur de ce travail, le concept d'intelligence verbale est étudié en détail avec notamment ses deux versants: le talent d'une part et l'apprentissage socio-culturel d'autre part. Différents niveaux qualitatifs de bilinguisme peuvent être observés entre deux pôles extrêmes : de l'expression déficiente dans les deux langues au bilinguisme totalement réussi. Selon le niveau d'acquisition des différents constituants d'une langue (sémantique, morphosyntaxe...), c'est-à-dire leur automatisation, différentes aires des trois étages du cerveau (cortex, système limbique et tronc cérébral (selon le modèle de MacLean[4], 1970) sont activées parallèlement. Les résultats des recherches psycho-neurobiologiques (et psycholinguistiques) suggèrent de plus des interactions entre les activités psychiques dirigées vers le «haut» (cortex) et celles dirigées vers le «bas» (tronc cérébral). Ces activités amènent à penser que les différentes manières d'apprendre les parties langagières influent sur les réseaux neuronaux abritant différentes formes du savoir. Il n'y a pas une seule mémoire mais bien plusieurs mémoires qui interagissent. Le comportement et la manière d'agir de chacun, sont influencés par le tempérament et le caractère, déclenchant des attitudes caractéristiques et des styles procéduraux lors de la résolution des tâches. Les uns, par exemple, se contrôlent et sont «sévères» avec eux-mêmes, faisant preuve de ténacité en gérant habilement les obstacles, tandis que d'autres font preuve de moins de rigorisme. Ces comportements peuvent être intégrés dans un modèle du «Moi-Acteur» s'inspirant de S. Freud.

 

Le domaine des recherches concernant l'enseignement d'une langue (étrangère) à l'école embrasse différents secteurs : (1) l'analyse des facteurs de l'environnement familial, (2) ceux du cadre scolaire, (3) ceux qui influent sur l'efficacité de l'enfant dans diverses performances, (4) ceux du matériel et des moyens mis en œuvre pour l'enseignement et l'apprentissage, (5) ceux relatifs au professeur (comportement professionnel, méthodologie, impact sur les élèves...) et enfin (6) le passage en revue des éléments théoriquement acquis et des progrès réalisés ( résumés, synthèses et révisions cycliques).

 

Cette énumération de facteurs ne tient pas compte des activités de l'élève en dehors du cadre scolaire qui sont en partie dirigées et/ou contrôlées par les parents.Il revient également au professeur la tâche d'informer et de conseiller les parents de l'élève sur la qualité des progrès constatés et sur les conséquences de ceux-ci quant à l'avenir (personnel et/ou professionnel) de l'élève. Au niveau des prérequis de l'apprentissage scolaire de l'élève, il est nécessaire d'élucider le conflit potentiel entre les exigences de la famille auxquelles doit satisfaire l'élève et celles de la société. Ces deux types d'exigences ne se confondant pas nécessairement (culture de la langue, respect des normes, sujets de discussions, types de textes...).

 

En Allemagne, l'enseignement est du ressort de la politique régionale qui en fixe les valeurs prioritaires. L'idéologie des länder peut être en conflit avec les exigences standards réclamées par une société de citoyens responsables et consciencieux tels que : les vertus de la citoyenneté et du travail, le contrôle de soi, le respect d'autrui, la suite dans les idées, le travail méticuleux... . Les régions déterminent les plans d'enseignement qui fixent les objectifs pédagogiques et l'environnement matériel de leurs réalisations. Elles se concertent au niveau fédéral par l'intermédiaire de la Conférence des ministres régionaux des formations et au niveau de l'Union Européenne, entre les pays membres, dans le meilleur des cas selon le principe de subsidiarité. La mise en pratique de cette volonté d'harmonisation - au fond louable- est cependant vivement critiquable dans la mesure où elle ne respecte pas la souveraineté nationale. Ces schémas technocratiques excluent les matières à apprendre ainsi que le niveau qualitatif à acquérir.Les professions dans leur ensemble sont donc nivelées. De plus l'O.C.D.E. y mêle sa voix.

 

L'enseignement et l'apprentissage préscolaire diffèrent de ceux de l'institution scolaire (du primaire au lycée) en raison de l'âge de l'apprenant et d'une pédagogie adaptée au développement et à sa maturation cérébrale. Une réflexion cognitive et méta-cognitive satisfaisante de l'élève sur lui-même et sur son travail ne peuvent pas être envisagées avant l'âge de 9 à 10 ans. C'est un processus et un entraînement d'auto-contrôle continu tout au long de la scolarité. 

 

Pour améliorer l'efficacité de l'organisation de l'apprentissage scolaire des langues étrangères, il serait souhaitable d'augmenter le nombre d'heures d'enseignement par semaine ou bien de créer des phases «en bloc», voire plusieurs, de préférence en immersion dans le pays cible pour garantir un entourage authentique. Le but des R.E.A.L. étant de trouver des voies méthodologiques pour améliorer le rendement langagier, la mémorisation se trouve au centre de l'attention. Sa matière est le langage organisé en types de textes publiés selon les normes sociales de communication. En respectant cet objectif, les erreurs commises au cours de l'enseignement passent au crible de l'attention d'autant que tous les niveaux de la production langagière peuvent être concernés.

 

L'apprenant est sujet à un rythme biologique et sa journée scolaire est parfois chargées de multiples sujets et tâches. Ceci devrait amener les chercheurs concernés par les méthodes d'enseignement des langues étrangères à se concerter pour optimiser ces méthodes et palier la monotonie procédurale actuelle (en introduisant par exemple des phases en bloc, une répartition des tâches, la production de textes... ).

 

La méthodologie spécifiques des langues, en l’occurrence le français et l'espagnol a sa raison d'être dans les différences linguistiques qui menacent la mémorisation. Puisque l'enfant apprend une langue 'seconde' (L2) normalement dans l'environnement de sa langue maternelle (L1) dont il a une compréhension implicite, il produit des erreurs typiques sous l'impact de L1 qui change d'une langue à l'autre. Ce problème concerne également l'échelonnement de la programmation de l'apprentissage des langues dans les horaires en raison d'interférences réciproques. De plus, la réflexion porte sur le choix des lectes (variétés linguistiques, d'origine sociale, géographique, temporelle et professionelles) spécifiques. Dans le passé on parlait d'un rôle interdépendant des sujets et du langage, ce qui était sensé, mais aujourd'hui on prône un concept «bilingue» (langue et thème, la biologie par exemple).

 

La politique a brouillé les pistes en jouant sur le terme de bilinguisme (bilingue vs. bi-langue). L‘objectiftraditionel était qu’un étudiantà l‘issue de ses études universitaires soit le plus généralement en mesure d‘atteindre un niveau de possesion de la langue L2 de l‘ordre de 90 % pour la lecture et de 70 % pour l‘écrit et l‘oral. Depuis quelques années on dispensedes cours en y étudiant des technolectes, par exemple géographie, biologie ou mathématiques..., soit directement dans la L2 (enseignement bilingue)soit  (enparallèle quelque fois)en cours de langue (enseignement bi-langue). L’utilité de cette méthode reste obscure si l’apprenant n‘effectue pas un séjour dans le pays-cible pour ses études dans la matière choisie. L’objectif  des classes bi-langues’ se limiterait à faire parler (l’enfant) seulement l‘apprenant. On pensera aux sujets transversaux et aux modules (anciennement dossiers) qui tentaient de mêler civilisation, littérature et sujets pragmatiques au lieu d’analyser des textes.Avec cette orientation de ‘bilingue’ on a abandonné l`ìdée traditionelle d’un cours intégré de langue et de matière (civilisation et littérature), donc d’une formation géneralisée.

 

L'étude des sujets à soumettre aux apprenants est encore très controversé entre les pragmaticiens (en vue d'un profit économique) et les défenseurs d'une plus-value culturelle et éthique. Pour cette raison elle est une compétence qui dépasse la capacité de formulation de différents types de textes mais qui lui reste cependant liée. Il s'agit d'un ensemble didactique et méthodologique particulier qui dépasse le cœur du projet des R.E.A.L. . On pense évidemment à des sujets transversaux ainsi qu'à des modules qui tenteraient de mêler civilisation, littérature et sujets pratiques ou techniques. Nous nous sommes focalisés sur des thèmes qui pourraient intéresser l'élève engagé dans son individuation parce que les questions abordées le concernent.

 

Les réseaux sociaux progressent rapidement sur le web. Leur impact change les styles d'apprentissage et de pensée au point qu'il devient souhaitable de peser les avantages et les inconvénients de leur utilisation en cours de langue. Quel sera le fruit pédagogique de son utilisation continue? Quels sont les effets induits sur le cerveau par l'utilisation de l'Ipad, du tableau blanc digital, de l'internet et des plate-formes et dans quels secteurs sont-ils plus efficaces que les procédés traditionnels ? Hélas, trop peu d'auteurs abordent ce sujet. Serait-ce parce que les gouvernements prônent sa multiplication pour des raisons économiques?

 

Dès que la communauté des chercheurs allemands eut fixé les objectifs des R.E.A.L. en 1983 nous avons entrepris de jeter les bases de ce secteur de recherches intégratives avec une première esquisse dès 2000. Les confins de ces recherches sont grosso modo consensuels dans la communauté scientifique. Mais il reste quelques souhaits à formuler comme de libérer les R.E.A.L. des influences de la politique de formation parce que la culture, comme la santé, forment les fondements d'une civilisation. Ceci étant, elle n'est pas négociable comme on veut. Du point de vue de l'évolution, la société doit assumer cette responsabilité d'optimiser sa culture en temps de paix.

 

Il revient donc au lycée la difficile mais importante tâche, dans notre société très complexe, de préparer l'élève à sa future vie (encore bien imprévisible), en lui dispensant un socle stable de compétences. Celles-ci pourraient probablement rester une pomme de discorde perpétuelle mais il ne fait aucun doute qu'une «bonne école» est celle qui prépare ses élèves, avec leurs apports réciproques continus, aux tâches d'une vie future par la voie de prétendues 'qualifications-clés'. Des compétences solides en langues favorisent la mobilité et ainsi que la compréhension des différences sociétales historiques.

 

La sélection d'un pool de types de textes proposés par un didacticien de la langue allemande dès les années 60 constitue un travail qui mérite encore d'être poursuivi.

 

L'utilisation d'une langue maternelle ou étrangère, n'est en aucun cas un comportement mais un facteur psycho-mental personnalisé d'une population langagière. Si l'on veut véritablement arriver à comprendre les personnes d'un pays-cible (et ne pas se contenter de simples contacts superficiels de 'touristes'), on devra immanquablement améliorer les productions orales et écrites au point de pouvoir y poursuivre ses études compte-tenu du fait que le programme européen ERASMUS n'a pas encore produit des résultats d'un suffisamment bon niveau dans ce domaine. Cet objectif formulé dans le passé pour le lycée, puis pour l'université, n'est hélas, plus d'actualité.

 

L’ étude des sujets – ce problème trés controversé entre pragmaticiens (surtout en vue d’ un profit économique) et défenseurs d’une plus-value culturelle et éthique – est pour cette raison une compétence qui dépasse la capacité de formuler différentes sortes de textes mais en restant lié avec elle. Celle-ci est un ensemble didactique et méthodologique particulier qui dépasse le noyau des  REAL. 

Traduction; RP/MOJP

 

[1]R.E.A.L. : équivalent français de S.F.L.L.F. (Schulische Fremdsprachenlehr- und -lernforschung). https://de.wikipedia.org/wiki/Fremdsprachenlehr-_und_-lernforschung

[2]Cadre européen des certifications pour l'éducation et la formation tout au long de la vie (CEC), https://ec.europa.eu/ploteus/sites/eac-eqf/files/broch_fr.pdf

[3]Mise en œuvre du cadre européen commun de référence pour les langues dans les systèmes éducatifs européens, http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2013/495871/IPOL-CULT_ET(2013)495871_FR.pdf

 

[4]MacLean , P. D. (1970): “The triune brain, emotion, and scientific bias”, dans: The Neurosciences: Second study program, 336-349.


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